L’ENA face à la globalisation: situation actuelle et perspectives

pc131031_009A l’occasion de son passage à Tokyo, Madame Nathalie Loiseau, directrice de l’Ecole Nationale d’Administration, en a profité pour nous exposer les grandes orientations à venir pour la Grande Ecole française préférée des Japonais. En effet, rappelons que les élèves de l’Archipel représentent en nombre le deuxième contingent d’étudiants étrangers dans la prestigieuse institution, preuve d’une relation riche et durable entre les deux pays.

Fraîchement nommée à la tête de l’ENA, Madame Loiseau de son aveu même a reconnu que sa nomination marquait une volonté de renouveau de l’Ecole, renouveau qu’elle a présenté à travers un programme résolument tourné vers l’ouverture. Contre les critiques habituelles qui taxent l’ENA d’école fermée et passéiste, berceau de la reproduction des élites, Madame Loiseau a répondu par ses objectifs d’ouverture à l’international dans un contexte globalisé, où les décisions des hauts fonctionnaires de demain impacteront non seulement les citoyens français mais aussi le monde dans son ensemble, arguant de la compréhension indispensable des enjeux globaux. Ouverture aussi aux enjeux scientifiques et technologiques qui prennent une place grandissante dans notre vie quotidienne et dont la maîtrise est nécessaire dans une administration moderne tant ils façonnent notre mode de pensée et annoncent les transformations à venir de la société. Ouverture encore au simple citoyen, puisque Madame la directrice a insisté sur l’importance pour les futurs hauts fonctionnaires de rester en contact permanent avec les besoins de chacun, bien loin des clichés usés sur la prétendue déconnexion des anciens élèves de l’école avec les préoccupations de tous les Français. Ouverture, enfin et surtout, au monde de l’entreprise, afin de mettre fin au dualisme stérile entre public et privé et renouer avec le partenariat efficace entre ces deux mondes qui a marqué la remarquable réussite de la France pendant les Trente Glorieuses. Consciente des enjeux de demain, Madame Loiseau a exprimé son souhait de voir se développer les échanges entre public et privé dans l’intérêt des deux parties, et tout en étant consciente des différences inhérentes au secteur public ; elle a déclaré vouloir éveiller la conscience des élèves de l’école aux problématiques de compétitivité et d’attractivité au niveau mondial que la France devra affronter demain.

Dans un jeu de questions-réponses, Madame Loiseau est revenue sur plusieurs problématiques soulevées par le public, par exemple le recrutement des élèves de l’ENA que certains jugent trop limité. Au contraire, on soulignera les efforts soutenus pour ouvrir l’entrée à l’Ecole Nationale d’Administration, sans pour autant abaisser le niveau d’entrée qui est et doit rester élevé. Madame Loiseau a en particulier noté le faible nombre de femmes qui s’engagent dans la fonction publique à haut niveau malgré la large proportion de diplômées de l’Enseignement supérieur en France ; il y a là un vivier en partie inexploré et qui ne demande qu’à être découvert, ce qui ne pourra se faire sans un changement des mentalités, en particulier dans l’administration française. Vivier aussi que représentent les jeunes de milieux favorisés dont la réussite scolaire est trop souvent freinée par des problèmes sociaux et familiaux ; c’est de ce constat qu’est partie l’Ecole pour créer une classe préparatoire à destination des jeunes à la réussite universitaire solide malgré un contexte personnel difficile. On notera d’ailleurs le brillant succès de cette classe particulière dont les élèves sont pris en charge à 100% et peuvent ainsi pour la première fois se consacrer uniquement à leurs études.

De cette conférence, on retiendra les ressemblances frappantes entre la France et le Japon qui ne peuvent que renforcer les liens déjà forts entre nos deux pays dans une optique de coopération économique et politique. Surtout, la place des anciens élèves étrangers s’est révélée primordiale, les étudiants de retour chez eux devenant des passeurs de culture, des courants d’affaires qui sont seuls à même de comprendre les attentes des uns et des autres lors d’échanges bilatéraux et sont le maillon essentiel de la coopération entre nos deux pays. D’autres problèmes communs ont été soulevés : ainsi, la place ambiguë des élites dans les deux nations, la reconnaissance et le prestige de la fonction publique, et une certaine culture corporative qui l’accompagne, la place des femmes dans les institutions et au travail, les inégalités sociales, culturelles ou sociologiques… Ce sont ces problématiques que Madame Loiseau veut prendre à bras le corps dans un puissant élan qui n’aura pas manqué d’impressionner l’auditoire.

C’est donc un vent nouveau qui souffle sur l’Ecole Nationale d’Administration, et gageons qu’entre de si bonnes mains elle saura trouver sa place dans un monde globalisé et conservera à l’avenir le prestige qui est le sien tout en continuant à former les décideurs de demain avec l’excellence qu’on lui connaît.